sábado, 28 de septiembre de 2019

mots


(…) Pourtant la fausse parole transmettra entre les lignes un éclat de la vérité. “Ce ne sont pas les paysans qui se soulèvent, c’est Dieu !” – aurait dit Luther, au départ, dans un cri admiratif épouvanté. Mais ce n’était pas Dieu. C’étaient bien les paysans qui se soulevaient. À moins d’appeler Dieu la faim, la maladie, l’humiliation, la guenille. Ce n’est pas Dieu qui se soulève, c’est la corvée, les censives, les dîmes, la mainmorte, le loyer, la taille, le viatique, la récolte de paille, le droit de première nuit, les nez coupés, les yeux crevés, les corps brûlés, roués, tenaillés. Les querelles sur l’au-delà portent en réalité sur les choses de ce monde. C’est là tout l’effet qu’ont encore sur nous ces théologies agressives. On ne comprend leur langage que pour ça. Leur impétuosité est une expression violente de la misère. La plèbe se cabre. Aux paysans le foin ! aux ouvriers le charbon ! aux terrassiers la poussière ! aux vagabonds la pièce ! et à nous les mots ! Les mots, qui sont une autre convulsion des choses.

Eric Vuillard, La guerre des pauvres, Actes Sud, 2019

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